Perte de puissance moteur au décollage tour de piste :
Garder le contrôle de la trajectoire…
Bonjour à tous, pilotes et élèves pilotes,
Ce bulletin de sécurité traite d’un évènement peu fréquent pour lequel il faut cependant être préparé.
La conduite à tenir en cas de perte partielle de puissance après décollage ne peut pas s’improviser. Elle demande d’y avoir réfléchi en amont pour gérer cette situation en fonction des différents cas de figures qui peuvent se présenter.
Après cette réflexion au calme autour d’une table, nous sommes en mesure, lors du briefing « Avant décollage », d’activer notre mémoire à court terme, pour se préparer à prendre la bonne décision en fonction du terrain de départ et des conditions du jour.
Gestion simple d’une perte partielle de puissance moteur après décollage à adapter au terrain et aux conditions du jour. |
Dès la détection de la perte de puissance
- Adopter la vitesse de plané de la configuration (Voir Manuel de Vol)
- Constater immédiatement le variomètre:
- Vz ‹ 100 ft/min : Envisager un atterrissage forcé
- Vz ≥ 100 ft/min : Annoncer « PANNE, PANNE, PANNE »
- Envisager un retour suivant une trajectoire optimum.
1 Quelques explications sur la perte de puissance
Il ressort d’une étude du bureau australien de la sécurité des Transports (ATSB) de 2013 sur les pertes partielles de puissance moteur après décollage sur monomoteurs à pistons, après analyse d’accidents de cette sorte, les enseignements suivants :
1.1 Perte partielle de puissance après décollage sur monomoteur
L’étude a montré que durant et juste après le décollage, une perte partielle de puissance moteur avait trois plus d’occurrences d’intervenir qu’une panne totale. De plus, l’ATSB a enregistré 9 accidents mortels entre 2000 et 2010 par suite de pannes partielles contre aucun accident mortel dans le cas de pannes totales.
Une des raisons provient du fait qu’une panne partielle est plus exigeante à gérer qu’une panne totale. Le pilote se trouve confronté à faire des choix rapides avec des décisions immédiates.
Le document met en avant la stratégie à mettre en place, consistant à :
- Anticiper la prise de décision avant le vol pour les urgences et les situations anormales sur l’aérodrome utilisé.
- Réaliser de façon attentionnée la visite pré-vol et les essais moteur pour réduire le risque de panne partielle.
- Avoir une réaction positive pour conserver le contrôle de l’appareil lors du retour au terrain ou lors de l’atterrissage forcé, en prenant en compte l’énergie à l’arrondi et la vitesse de décrochage.
Nota : Une panne moteur totale précédée d’une panne partielle fait partie des cas étudiés durant cette étude.
1.2 Causes d’une panne partielle
Elles sont multiples :
- Problèmes mécaniques du moteur,
- Circuits air ou carburant obstrués, une combustion incomplète, un manque de carburant, un dysfonctionnement du carburateur, un problème d’allumage…
- Un blocage mécanique des manettes de gaz, comme un câble de commande bloqué ou rompu.
- …
2 Gestion des pannes partielles
Durant une panne partielle de puissance après décollage, le pilote doit prendre une décision pour gérer la situation sous conditions de stress, d’incertitude, de forte charge de travail et d’une pression temporelle élevée.
Voici quelques conseils pour minimiser les risques de panne partielle moteur.
2.1 Préparation du vol
En anticipant la prise en compte certaines données (comme la direction du vent, les options pour atterrir sur et en dehors du terrain, devant et derrière l’avion), il est possible de diminuer votre charge mentale si une panne partielle intervient.
Avoir planifié au préalable votre réaction en conditions calmes vous permettra de mieux mettre en place les actions à faire si une situation d’urgence intervient. Il est donc recommandé de prendre en compte une possible panne partielle de moteur dans son plan d’action et sa stratégie de gestion des erreurs et des menaces.
Votre préparation doit donc s’intéresser aux points suivants :
- Le QFU de la piste et le meilleur choix en cas de virage de retour,
- La force et la direction du vent au moment du décollage,
- Les obstacles et le relief,
- Les points de décision (selon la hauteur et les performances) pour différentes options d’atterrissage (sur le reliquat de piste, en dehors de l’aérodrome, en effectuant un virage de retour).
2.2 Auto-briefing
Tous les pilotes, y compris sur monomoteur et mono-pilote, doivent se faire leur propre briefing sécurité à chaque décollage. Ce briefing est important car il vous remémore les actions planifiées en cas d’urgence comme une panne partielle de puissance.
2.3 Pré-vol
La détection d’une anormalité dans le fonctionnement du moteur, ou d’un problème détecté au cours de la pré-vol peut éviter un problème pendant le décollage.
Prévenir est meilleur que guérir.
2.3.1 La distraction pendant la pré-vol
Une interruption de procédure dans la visite pré-vol par distraction ou sous la pression temporelle peut entraîner des oublis.
2.3.2 Essais moteur
Les essais moteur constituent un important filet de sécurité pour éviter tout problème moteur après décollage.
Effectuez des essais moteur méthodiquement.
2.3.3 Gestion du carburant
Connaissez bien le circuit carburant de votre avion et les consignes du constructeur ?
Une mauvaise sélection ou une sélection imparfaite du bon réservoir sont des causes fréquentes d’accidents. Dès qu’il y a au moins deux réservoirs, ce point est capital. La contenance doit être vérifiée de plusieurs façons et non pas une seule : visuelle, par vérification sur le carnet de route, par jauge, etc.
Même lors de vols courts, une gestion du carburant est nécessaire avec un bilan avant décollage et une durée maximale du vol.
Il est important que le circuit carburant ne soit pas modifié entre les essais et le décollage. Il faut donc utiliser pour décoller le réservoir testé lors des essais moteur, pour minimiser les risques de dysfonctionnement.
2.3.4 Briefing Sécurité
Déjà évoqué, ce dernier doit logiquement intervenir après les essais moteur, peu avant l’alignement. Il alimente la mémoire à court terme, en récapitulant les différentes options selon la situation rencontrée.
2.4 Décollage
2.4.1 Accélération initiale
Un problème moteur peut parfois ne pas être détecté lors des essais moteur mais survenir à l’application totale de la puissance lors du décollage. Il faut évaluer l’accélération de l’appareil en fonction de la distance parcourue, en comparant avec de précédents décollages.
Il est recommandé d’utiliser la totalité de la piste et d’éviter un alignement à partir d’une intersection.
2.4.2 Accélération-arrêt
Il est important de noter tout problème avant la vitesse de rotation et d’arrêter le décollage au moindre doute.
2.4.3 Éviter la pression
La pression peut entraîner un pilote à décoller sans avoir réglé un problème. C’est identique au syndrome de « destination à tout prix » avec la poursuite du vol dans le mauvais temps.
Si vous ne savez pas, ne décollez pas.
3 Gérer une panne partielle après décollage
3.1 Procédure
En cas de panne partielle, la priorité doit être donnée au contrôle de l’appareil et non pas l’analyse des problèmes.
Les actions initiales à effectuer en cas de panne sont les suivantes :
- Diminuer l’assiette pour conserver la vitesse de plané,
- Réalisez une analyse de panne comme si cette dernière était totale. Ceci uniquement si vous avez suffisamment de temps.
- Conservez la vitesse de plané et vérifiez si l’avion peut maintenir, gagner ou perdre de la hauteur en fonction des paramètres. Ceci vous renseignera sur les options disponibles.
- Pilotez l’appareil pour atterrir, en fonction de la hauteur et des performances, et les trajectoires prévues pour un tel scénario. Si un virage est entamé, n’oubliez pas que l’inclinaison augmente la vitesse de décrochage. Volez symétrique pour limiter le taux de chute. Avoir une hauteur minimale pour entamer un virage est recommandé.
- Réactualisez les options d’atterrissage au fil du temps. Prenez des décisions mais soyez prêt à modifier votre plan si nécessaire.
- Ayant une hauteur minimale pour avoir les ailes à l’horizontale (200 ft/sol minimum recommandés, en fonction du taux de roulis, de la vitesse et de l’expérience du pilote). Maintenez la vitesse de plané jusqu’à l’arrondi pour avoir assez énergie pour diminuer le taux de chute.
Attention : assurer l’atterrissage car la Remise de Gaz n’est pas possible, donc pas de précipitation !
3.2 Les scénarios disponibles
Trois décisions sont possibles en cas de panne partielle après décollage et l’intérêt de prendre toute la piste :
- Atterrissage forcé ou de précaution
- Virage de retour vers l’aérodrome avec atterrissage forcé hors aérodrome ou atterrissage forcé sur l’aérodrome selon les cas.
Maintenez la vitesse de plané
Le plus important est de maintenir une bonne vitesse pour éviter un décrochage et avoir de l’énergie pour gérer l’arrondi. L’essentiel est de savoir où va l’appareil, de maintenir le contrôle et développer une conscience de la situation.
Prenez des décisions avant vol pour anticiper une panne, afin de réduire votre charge de travail et vous aider à faire la bonne action. Soyez clair avec vous-même et avec vos passagers sur votre plan d’action prévu.
3.2.1 Atterrissage forcé ou de précaution
Tout virage augmente le risque d’un décrochage et celui de toucher le sol d’une extrémité d’aile. La sortie des pleins volets est recommandée, si possible, car cela diminue la vitesse sol au contact. Mais cela peut aussi réduire l’efficacité du freinage et augmenter l’effet de sol notamment sur avions à ailes basses.
Le moteur peut s’arrêter à tout moment. Il faut donc conduire l’atterrissage comme si vous n’aviez aucune puissance. Les pilotes sont plus entraînés à gérer une panne totale.
Utilisez la structure de l’appareil pour minimiser les dommages. Priorité à la survie des passagers et au pilote, sans considération pour l’appareil. Utilisez le train ou les ailes pour absorber l’énergie à l’impact, sur des obstacles, pour décélérer l’appareil. Évitez un contact direct du fuselage avec un obstacle.
3.2.2 Virage de retour vers l’aérodrome
Une autre option peut être un retour vers le terrain tout en envisageant un atterrissage forcé. Si la puissance est suffisante pour tenir une altitude, cette option devient possible tant que l’appareil peut également être posé hors terrain sur la trajectoire le ramenant au terrain.
Annoncer « Panne, Panne, Panne » à la radio
Un bon plan de retour au terrain ne doit pas placer l’appareil dans une situation plus risquée que celle d’un atterrissage forcé conduit hors limites de l’aérodrome. Les quatre points à prendre en compte pour justifier un demi-tour sont :
- De la hauteur disponible,
- De la puissance encore suffisante,
- Une vitesse suffisante pour palier le risque de décrochage en virage,
- Un niveau de confiance suffisant dans la puissance restante, tout en considérant que le moteur peut lâcher à tout instant.
Le pilote, pour son plan d’action, doit :
- Évaluer la nature du terrain à survoler, meilleure ou pire que celle d’un atterrissage dans l’axe, ainsi que la vitesse sol à l’atterrissage si le vent est fort.
- Optimiser le taux de virage avec une inclinaison maximale acceptable.
- Évitez les risques d’un virage à faible hauteur.
- Définir une hauteur minimale où les ailes devront être horizontales pour l’atterrissage (200 ft minimum).
- Piloter l’appareil et constamment analyser les options pour atterrir en cas de panne totale du moteur.
Prenez en compte la distance à parcourir durant le virage. Soyez prêt à stopper le virage et atterrir dans l’axe si la puissance se détériore.
Un virage de retour implique un pilotage précis sous fort stress. En cas de décrochage ou départ en vrille, au vu des hauteurs pratiquées, la récupération est peu probable.
Les accidents consécutifs à des tentatives d’atterrissages hors aérodrome après demi-tour sont dus à des vitesses faibles ou de forts angles d’inclinaison sans maintenir suffisamment de vitesse pour arrondir.
En résumé…
- Des vérifications avant décollage peuvent prévenir une panne partielle.
- Effectuer une préparation du vol poussée et un briefing Sécurité
- Garder le contrôle de la trajectoire
Bons vols.
Patrick ELKAN | CPS ACAM | cps@aeroclub-acam.org | https://www.rexffa.fr
Les Bulletins de Sécurité sont disponibles sur Aero-Infos
Ce bulletin est téléchargeable sur le site Web